Il y a quelques années, lorsqu’on utilisait le téléphone pour communiquer avec une organisation, il s’agissait souvent de questions ou de tâches simples. Le canal téléphonique était la porte d’entrée officielle pour avoir accès aux informations et aux services. Cependant, avec les années, les canaux numériques et les libres-services, qu’ils soient web ou mobiles, ont absorbé une grande partie de ces requêtes. Désormais, le canal téléphonique n’est souvent utilisé qu’en dernier recours. Par exemple, une conversation qui demande un niveau d’interactivité plus élevé s’effectuera mieux au téléphone que sur les canaux numériques. Ou encore, lorsqu’on rencontre un problème technique lors de l’utilisation d’un libre-service, on n’aura d’autre choix que d’opter pour le téléphone pour résoudre le problème.
Conséquemment, le canal téléphonique traite désormais des problèmes complexes, et ce, dans une proportion plus importante qu’auparavant. Puisqu’il est le canal ultime pour ces parcours clients problématiques ou complexes, il devient donc stratégique pour l’organisation d’y prêter une attention particulière. Personne aujourd’hui ne saurait douter de la pertinence d’offrir à sa clientèle un service téléphonique simple et efficace afin de préserver la loyauté de ses clients.
Le mot « conversationnel » sur toutes les lèvres
Il y a maintenant quelques années que le terme « conversationnel » a fait son apparition dans le vocabulaire du domaine de l’expérience client. Pour en savoir davantage sur ce concept, il vous est possible de consulter l’article « Whaddya mean, conversational IVR? » (disponible en anglais seulement). Essentiellement, les approches dites conversationnelles permettent aux utilisateurs de s’exprimer librement, en énonçant eux-mêmes le problème, tout en permettant une structure de dialogue peu contrainte. Le rôle du système dans la conversation est de demander les informations manquantes tout en s’adaptant aux interruptions et aux changements de sujets.
Appliquées aux systèmes de réponse vocale interactive (RVI), les interfaces conversationnelles révolutionnent l’expérience client en permettant à l’utilisateur d’énoncer d’emblée sa requête verbalement plutôt que de se promener à travers un dédale d’options de menu. Le client n’a plus à s’adapter. À l’inverse c’est le système qui doit désormais le faire.
De coup de fil en aiguille
Pour ceux qui n’ont pas encore déployé de solutions conversationnelles sur le canal téléphonique, l’élaboration d’une feuille de route pour cette transition est cruciale. La stratégie doit considérer à la fois les bénéfices d’affaires potentiels, les risques technologiques et les impacts organisationnels. Alors, comment y parvenir?
Nous avons besoin d’un plan en plusieurs étapes qui permette à l’organisation d’absorber les transformations progressivement tout en maximisant les bénéfices. Elle doit pouvoir apprendre et s’ajuster. En effet, le développement et le déploiement de systèmes conversationnels nous demandent de changer notre façon de fournir les spécifications, d’effectuer la conception, de réaliser et de tester la solution. De plus, le traitement du langage naturel demande une grande quantité de données provenant des utilisateurs, c’est-à-dire des enregistrements d’appels et leurs transcriptions. C’est un élément nouveau mais essentiel et on doit en tenir compte dans la planification des projets.
Premiers mots: aiguillage des appels en langage naturel
Comme première étape de la transition vers la RVI conversationnelle, il est très intéressant de considérer une solution d’aiguillage des appels en langage naturel (abrégé ici en AALN pour le reste de cet article). Le but de cette solution est de permettre à un client d’exprimer verbalement et en ses propres mots la raison de son appel. Le système analyse et interprète la requête formulée par le client et achemine l’appel à la bonne destination, c’est-à-dire, soit vers les agents appropriés ou vers un module de libre-service. Ceci remplace les menus, du moins comme interface d’avant-plan, les menus demeurant utiles comme palliatifs. Voici une illustration d’un scénario dans lequel un client interagit avec une solution d’AALN.
Quel genre d’efforts est requis pour le déploiement d’une solution d’AALN? Premièrement, on doit procéder à la collecte de données. D’une part, la collecte de données vocales effectuée auprès des clients permet de comprendre comment s’expriment les clients lorsqu’ils communiquent avec l’organisation et d’autre part, l’inventaire des produits et services, la terminologie utilisée à l’interne et à l’externe ainsi que la structure du centre de contact (groupes d’agents, compétences, etc.) nous servent à comprendre le domaine d’affaire.
Ensuite, ces données seront analysées afin de définir le catalogue d’intentions, c’est-à-dire toutes les catégories de raisons d’appel pouvant être traitées par le système. Pour les intentions plus vagues qui nécessitent une caractérisation plus précise, on devra définir la stratégie de désambiguïsation, laquelle consiste à identifier quelles questions devront être posées au client afin de préciser son intention. Finalement, pour chaque intention non vague, on devra déterminer quelle sera la bonne destination, c’est-à-dire le groupe d’agents ou le libre-service apte à répondre à la requête du client.
À partir des données recueillies lors de la collecte de données, on pourra entraîner et optimiser les engins de reconnaissance de la parole et de traitement du langage naturel afin qu’ils puissent adéquatement reconnaître les phrases prononcées par les utilisateurs et catégoriser l’intention de l’appel correctement.
L’application RVI pour l’AALN est simple. C’est en partie pourquoi il s’agit d’une première étape idéale dans la transition vers la RVI conversationnelle. Dans le flux d’une telle application, on pose initialement une question, à la suite de quoi le système peut demander une confirmation selon le niveau de confiance du module de traitement du langage naturel. Ensuite, un dialogue de désambiguïsation sera peut-être nécessaire si la requête est considérée vague. Finalement, selon l’intention détectée dans la requête, l’appel sera acheminé au bon agent.
Il y a donc, dans cette application, très peu d’états. Ceci simplifie grandement sa conception, sa réalisation ainsi que les tests.
Une fois l’application complétée, on procédera à une phase de pilote. Typiquement, lors de ce pilote, la nouvelle solution d’AALN sera exposée à une fraction de la clientèle. Ceci permettra non seulement de mesurer les performances de l’application mais aussi de l’améliorer. Les phrases utilisées par les clients seront récoltées et elles viendront enrichir le modèle de traitement du langage naturel. Lors du pilote, il serait aussi judicieux d’en profiter pour sonder les utilisateurs sur leur nouvelle expérience. Une fois les ajustements apportés, l’application pourra être rendue disponible à grande échelle.
Suite à la mise en production, il est important de périodiquement récupérer les données afin d’améliorer le modèle de traitement du langage naturel. Ces optimisations post déploiement permettent à l’application de s’adapter à l’évolution des requêtes de la clientèle.
Voici une vue simplifiée du processus de développement:
Récolter les fruits
La réduction du nombre d’erreurs de transfert est le bénéfice principal d’une solution d’AALN. Ceci aura donc pour effet de libérer les agents. De cette façon, on améliore l’efficacité opérationnelle du centre de contact client. Par le fait même, les utilisateurs éprouveront moins de frustration, ce qui contribuera à améliorer non seulement l’expérience client mais aussi l’expérience agent.
L’efficacité et la convivialité de l’interface conversationnelle et le fait que le client puisse s’exprimer naturellement, en ses propres mots, sont d’autres facteurs contribuant à améliorer l’expérience client. Comme le centre de contact client demeure le lien entre l’organisation et son client, meilleure est l’expérience client, meilleure sera la fidélisation.
La nouvelle solution permettra de comprendre les raisons réelles des appels. La RVI traditionnelle ne reflète que les choix des clients parmi les raisons d’appels présumées par l’organisation. À l’inverse, les énoncés en langage naturel ne subissent aucun filtre et nous permettent d’identifier des problèmes ou questions récurrents qui pourront être traités en libre-service (téléphonique ou autre). Avoir en main ces statistiques nous permet aussi de concentrer nos efforts d’optimiser le design pour les requêtes les plus fréquentes.
L’AALN offre aussi la possibilité de regrouper plusieurs numéros de téléphone en un seul numéro. Il n’est plus nécessaire de séparer les services afin de réduire la complexité et la taille des menus. Tout est disponible dès la première interaction. Avec un numéro unique, on évite la frustration des clients qui ont dû chercher le bon numéro à utiliser ou qui n’ont pas utilisé la bonne porte d’entrée.
L’expérience acquise
L’AALN permet à l’organisation d’acquérir de l’expérience dans plusieurs aspects de la RVI conversationnelle. Par exemple, lorsqu’on travaille avec la technologie de la reconnaissance de la parole en langage naturel, il n’est pas possible d’avoir des spécifications techniques déterministes, ce à quoi on est habitué dans le développement de solutions de RVI traditionnelles. Comme le langage est un phénomène humain, il impossible d’anticiper toutes les formulations possibles. C’est pourquoi on a recours à des systèmes d’intelligence artificielle, lesquels apprennent avec les données qui leur ont été fournies. Il leur faut donc travailler avec la notion d’incertitude. Le système est composé de deux étapes, la reconnaissance de la parole et le traitement du langage naturel, chacun ajoutant un degré d’incertitude au résultat.
Donc, si auparavant, il suffisait de dire…
“Lorsque l’utilisateur appuie sur la touche Y, l’appel est transféré au département X”
…nous devons maintenant décrire le comportement de cette façon :
“Lorsque le système reconnaît l’intention Y, l’appel est transféré au département X”
La façon dont l’intention est reconnue ne peut être décrite formellement. Le tout doit être considéré comme une boîte noire. Ceci a un impact non seulement sur le plan de la spécification, mais aussi des tests. On doit traiter séparément les aspects suivants :
-
- la performance de la détection des intentions, c’est à dire les performances combinées de la reconnaissance de la parole et du traitement du langage naturel
- la conformité du comportement de l’application suite à la reconnaissance d’une intention, c’est-à-dire qu’après avoir reconnu une intention donnée, l’application devra se comporter d’une manière prédéterminée
Ce principe demeurera pertinent tout au long de l’évolution vers une solution conversationnelle complète.
Mais ceci n’est qu’un exemple parmi plusieurs éléments de pratique qui requièrent une attention particulière. On devra aussi se préoccuper des rapports d’évaluation de performance de la solution, de la collecte et de la conservation de données audio, de la conduite de pilotes, des ajustements post déploiement et du processus d’amélioration en continu.
Et ensuite?
Une fois l’AALN en place, il existe plusieurs avenues pour approfondir l’approche conversationnelle. On pourrait, par exemple, ajouter un module pour l’interrogation d’une base de renseignements. Cette solution permet de répondre directement à une question posée par l’utilisateur au lieu d’acheminer l’appel à un agent qui devrait lui-même faire la recherche afin de répondre à l’utilisateur.
Il est aussi possible d’offrir des modules de libre-service transactionnels à même le canal téléphonique. On pourra transformer les libres-services existants et en introduire de nouveaux. Afin d’identifier les libres-services les plus pertinents à mettre en place, on pourra se servir de l’analyse des données fournies par la solution d’aiguillage des appels. Ces libres-services permettront aux utilisateurs de formuler des demandes complexes, et ce, dès l’accueil. Contrairement à l’aiguillage des appels, qui possède une structure de dialogue simple, les libres-services conversationnels exigent un moteur de dialogue sophistiqué qui prend en charge les dialogues en mode initiative mixte et qui permet de gérer correctement les situations particulières du dialogue, telles que les digressions, les changements d’idée et les corrections. Vous pouvez consulter cet article sur les corrections: partie 1 et partie 2 (en anglais seulement).
Comme certains libres-services ont besoin de connaître l’identité de l’appelant afin d’effectuer des opérations liées au compte de ce dernier, on devra mettre en place un module d’identification et d’authentification. Et afin de préserver le caractère naturel des interfaces conversationnelles, il serait très judicieux d’opter pour une solution d’authentification biométrique. Permettant d’authentifier un client par le simple son de sa voix, cette méthode est conviviale, rapide et efficace.
Le fait d’avoir déployé une solution d’AALN permet à l’organisation d’affronter en toute confiance les nouveaux défis. L’expérience qu’elle aura acquise l’aidera à anticiper les enjeux techniques et lui permettra d’identifier comment les interfaces conversationnelles peuvent apporter de la valeur à l’organisation.